L'approche de son oeuvre n'est pas commune, elle surprend, perturbe celui qui passe à l'improviste. Sur le parcours d'une exposition, si on ne s' arrête pas immédiatement, on rebrousse chemin, on y revient sans savoir ce qui nous attire de manière lancinante.
S'agit-il des couleurs, de la facture, de la force créatrice? Il y a de la puissance palpable mais indicible. L'oeuvre interpelle, captive, bouleverse le contemplateur. Un arrêt, un temps d'écoute, sont nécessaires pour qu'une véritable connexion s'instaure. Ses créations provoquent le regard, l'interrogent, l'éduquent peu à peu, l'émeuvent ... il y a matière ... « à »!
Ceux qui suivent un chemin convenu sont les mêmes qui de manière habituelle et quotidienne feignent de savoir, se détournent blasés et dérangés dans leurs habitudes. Il faudrait bien une mise en scène médiatique, des affiches prestigieuses, une reconnaissance post mortem, de longues files d'attente rassurantes pour qu'ils « suivent ». Qu'ils se donnent donc l'occasion de croiser des regards si intenses qu'ils font oublier que ce n'est pas parce qu'ils sont vrais qu'ils sont réels!
Les collectionneurs les plus avisés et les historiens de l'art ne s'y tromperont pas. Les chemins perpendiculaires découverts sur le terrain sont les plus exaltants, on y trouve des perles rares. C'est précisément le cas. Lorsque l'amateur d'art, les autres, ouvriront les yeux, il sera trop tard pour acquérir une oeuvre d'exception aujourd'hui à portée de main, demain à coup sûr inaccessible.
L'artiste expérimente depuis de nombreuses années de nouveaux procédés techniques, il décline de nouveaux thèmes, utilise le pastel d'une manière unique, novatrice. Les bâtonnets de pastel deviennent entre ses mains des bâtonnets de dynamite! Il sont malaxés, texturés, vigoureusement appliqués, on a le sentiment que le médium forme matière, qu'il résonne. Le pastel fond ou se scratch sous la pression physique de la main dans un combat inouï, esthésique (une esthétique sensitive), sur le support papier qui peine à résister.
On aime son côté subversif! C'est de toute évidence un précurseur, un plastelliste remarquable. Le contemplateur retient en premier lieu la richesse et la beauté des superpositions, des transparences de pigments, de tonalités, une fièvre chromatique passionnée, audacieuse, très riche. La voie de séduction passe naturellement par la densité des pigments, les vibrations de couleurs sublimes mais la nouveauté n'est pas là. Le pastel permet certes les plus beaux effets esthétiques, harmonies chromatiques, exaltations. La facture, le traitement du médium sont par contre très différents de ce que l'on connait: le pastel est modelé au doigt comme de la glaise. Le mouvement est partout, y compris dans la plasticité, les traces modelées, les passages nourris de couleurs. On ne voit pas les choses fixes, la facture est toute en volume, en courbes et rondeurs dynamiques, en circonvolution.
Les pigments de couleur sont maçonnés au doigt, à la main. Les êtres auxquels il nous confronte suggèrent des états fluctuants de l'existence, de l'âme, compassion et révolte face à l'actualité qui nous entoure, un regard posé sur le monde, « La Condition Humaine », celle de l'artiste lui-même, ses angoisses, ses pulsions, sa sensibilité exacerbée.
Marie-Hélène BARREAU MONTBAZET
Vice-présidente de Maecene Arts
Docteur en histoire de l'art
L'univers artistique de Raymond BERBIGUIER est d’une grande ampleur et aussi captivant, impressionnant, que difficile à appréhender. Raymond BERBIGUIER fait indéniablement partie des "Grands" parmi nos contemporains ... une certitude.
Les semaines et les mois ont passé. Nous avons le privilège de compter Raymond BERBIGUIER parmi nos artistes référencés Maecene Arts. De nombreux dessins et tableaux sont maintenant visibles et disponibles sur Brive où siège l'association. L'exposition "Regards croisés" est prévue pour décembre 2014 à la Chapelle Saint Libéral à Brive, en collaboration avec le Musée Labenche.
Parlons de ses oeuvres ...
L'ensemble de l’oeuvre de Raymond BERBIGUIER témoigne d'une cohérence thématique et stylistique très prononcée autour des corps et des figures.
On s’aperçoit en apprenant à le connaître qu’il a travaillé au fil du temps sur une grande diversité de thèmes qui vont des atmosphères obscures cinématographiques et personnages souvent en rapport avec le système hiérarchique, les inégalités face au pouvoir, à une série sur les sumos, des décompositions sur le mouvement à partir de recherches chronophotographiques, des séries sublimes de prostituées ...
Il accorde une grande importance aux rapports humains, aux échanges de regards, de visions, aux réciprocités de mouvements entre chacun, en incluant le contemplateur. Les rencontres, les relations humaines ont eu une influence déterminante dans sa vie.
Les créations de Raymond BERBIGUIER sont pour la majeure partie presque toutes orchestrées autour de la représentation de l’être, des corps, des têtes parfois infigurables, d'un âge mûr, dont certaines ont perdu leur visage, tendent vers une relative abstraction. Il travaille beaucoup les volumes, les courbes.
Certains regardants, qui ne sont pas pour autant des détracteurs évoqueront un aspect morbide, monstrueux proche de l’univers de l’artiste VELICKOVIC dont Raymond admire les dessins et peintures. Ils suivent comme BACON la même voie de la libre expression et de la figuration crue, l’intérêt pour le rendu du mouvement.
Raymond est aussi marqué par les peintres contemporains RUSTIN, Zao WOUKI, REBEYROLLE entre autres et son ami de toujours, l’artiste plasticien Joseph ALESSANDRI. Il voue dans un autre domaine une passion pour FELLINI.
Le miroir d’une vie ...
Raymond BERBIGUIER est-il son propre modèle à partir duquel il développe une réalité qui n'existe qu'à travers l'art, un autre regard, un imaginaire individuel ou collectif?
Peut-on parler de figurations introspectives expressionnistes? D’anti-portraits en auto destruction? De cris de révolte intérieure? Une ambiguïté non affirmée, au demeurant obscure, mystérieuse.
Ce sont les portraits plus ou moins conscients d’un alter égo, une forme de déchirement thérapeutique de lui-même, le miroir d’une vie. Une dichotomie des figures, comme celles de BACON, en deux parties antinomiques, entre la figuration et l’abstraction.
Deux facettes résonantes d’un même être vacillant, son côté sombre et sa lumière, la projection sans complaisance d’une figure qui semble être la sienne avec ses paradoxes, ses clivages, ses extrêmes entre le bien et le mal chaotique. Les forces s’affrontent et se cristallisent, des métamorphoses entre le subjectivement pensé et l’objectivement projeté.
Stylistique ...
Chacun des tableaux ou dessins de Raymond BERBIGUIER nous frappe par sa profonde ambivalence, son affectivité. Des séries de visages, de têtes, qui ne sont pas réels, même s'ils semblent être vivants. Des regards sombres, une chair corrodée, diaprée, aux tonalités terres d'ombre, rose saumon, rehaussées de rouge sang, de surfaces blanches irisées, de noir, de bleu. Il n’aime pas le superflu, il ne conserve que l’essentiel, l’essence.
Raymond BERBIGUIER à l'art de créer sans concessions ni complaisances, sans fioritures. Un dessin rigoureux, très classique dont témoignent de nombreux croquis. L’artiste peint comme il sculpte en modelant avec énergie matière et couleurs, y compris lorsqu'il travaille au pastel.
C’est un artiste généreux, simple, d’un naturel discret, engagé, un travailleur insatiable, très à l’écoute. Ses peintures sont puissantes et tendres, reflets d’un être à la fois vulnérable et fougueux. Un sacré tempérament, une personnalité attachante, un très grand artiste.
Marie Hélène BARREAU MONTBAZET